QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 39473/98 

présentée par Viron XHAVARA ET QUINZE AUTRES 

contre l'Italie et l’Albanie
 

 

  La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 11 janvier 2001 en une chambre composée de

      MM. G. Ress, président

  A. Pastor Ridruejo, 

  L. Caflisch, 

  J. Makarczyk, 

  V. Butkevych, 

  J. Hedigan,

            K. Traja, juges

et de M. V. Berger, greffier de section,

  Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 20 septembre 1997 et enregistrée le 21 janvier 1998,

  Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

  Après en avoir délibéré, rend la décision suivante : 

 

 

 

EN FAIT

  Les requérants sont des ressortissants albanais, dont les noms, années de naissance et lieux de résidence figurent dans la liste jointe en annexe. Ils sont représentés devant la Cour par Mes J. Lau et G. Baffa, avocats respectivement aux barreaux de Florence et Cosenza.

 

A.  Les circonstances de l’espèce

  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

1.  Le naufrage du Kater I Rades

  Le 28 mars 1997, le Kater I Rades, un bateau albanais qui transportait des Albanais désirant entrer clandestinement en Italie, sombra dans la Méditerranée, à environ 35 milles marins de la côte italienne.

  Les requérants, qui voyageaient à bord du Kater I Rades, survécurent à l’accident. Cinquante-huit personnes, parmi lesquelles des parents des requérants, trouvèrent la mort dans le naufrage.

  Ce dernier eut lieu suite à une collision avec le navire de guerre italien Sibilla, qui, ayant repéré le Kater I Rades, avait essayé de l’arraisonner afin de l’empêcher de débarquer ses passagers sur les côtes italiennes. Selon la version des faits fournie par les requérants, la proue du Sibilla aurait heurté une première fois la coque du Kater I Rades à la hauteur du pont, sans provoquer de dégâts importants. Il y aurait ensuite eu une deuxième collision, qui aurait sérieusement endommagé la coque du bateau albanais.

2.  Les poursuites entamées contre les commandants du Sibilla et du Kater I Rades

  Des poursuites furent ensuite entamées contre X, commandant du Sibilla, et Y, commandant du Kater I Rades. Ils étaient accusés d’homicide involontaire et d’avoir provoqué un naufrage. Le chef d’accusation contre X indiquait notamment que celui-ci avait poursuivi le bateau albanais sans tenir compte ni du mauvais état dans lequel il se trouvait, ni de la force de la mer et des conditions de visibilité réduite, s’approchant à moins de dix mètres du Kater I Rades. Selon la thèse du parquet, cette conduite aurait exposé les passagers du Kater I Rades à un danger disproportionné par rapport au but légitime poursuivi, à savoir la protection de la sûreté nationale.

  Au cours des investigations préliminaires, les accusés furent interrogés et de nombreux rapports d’expertise furent établis.

  Par une ordonnance du 17 novembre 1998, le juge des investigations préliminaires de Brindisi disjoignit la procédure contre X de celle dirigée contre Y et renvoya le premier en jugement devant le tribunal de Brindisi à l’audience du 3 mai 1999.

  Le jour venu, les premier, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, onzième, treizième, quatorzième et seizième requérants se constituèrent parties civiles. Dans un mémoire du 8 octobre 1999, les huitième, quatorzième et seizième requérants exposèrent la situation politique et sociale en Albanie au moment de leur départ vers l’Italie et les mesures d’urgence adoptées par le gouvernement italien face à la vague d’immigration provenant de l’autre côté de l’Adriatique. Selon leurs dires, ces mesures tendaient à traiter tous les citoyens albanais comme des clandestins sans vérifier au préalable s’il s’agissait de réfugiés politiques. Par ailleurs, le Sibilla aurait délibérément heurté le Kater I Rades, en exécution des ordres qui lui imposaient d’arrêter à tout prix le bateau albanais. Etant donné que X ne pouvait pas ignorer que les manuvres entamées à l’encontre du bateau albanais était susceptibles de provoquer la mort de ses passagers, il aurait dû être poursuivi pour homicide volontaire. Les huitième, quatorzième et seizième requérants demandèrent la convocation et l’audition de certains témoins pour démontrer cette thèse. Invoquant les articles 2 de la Convention et 2 du Protocole n° 4, ils alléguèrent enfin que le Sibilla n’avait aucun droit d’arrêter ou de poursuivre le Kater I Rades.

  Par une ordonnance rendue lors de l’audience publique du 8 mai 2000, le tribunal de Brindisi rejeta la demande d’audition de témoins, observant qu’elle était incompatible avec la qualification juridique que le parquet avait donnée au chef d’accusation.

  Les 22 mai, 1er et 15 juin, et 6 juillet 2000, des experts-témoins furent examinés. Les dates des audiences suivantes furent fixées aux 23 et 30 novembre, 7 et 21 décembre 2000.

3.  La lettre des requérants au président du conseil des ministres

  Le 20 novembre 2000, les requérants adressèrent une « lettre ouverte » (« lettera aperta ») au président du conseil des ministres et au ministre de la Défense italiens. Ils exposèrent leur situation et se déclarèrent en faveur d’un règlement amiable de l’affaire susceptible de leur faire obtenir, indépendamment de l’issue de la procédure judiciaire contre X, une réparation immédiate des dommages subis.

  Le 23 décembre 2000, le Parlement italien approuva la loi de finances (loi n. 388 de 2000). L’article 82 § 3 de celle-ci autorise le ministère de la Défense à dépenser une somme globale de 10 milliards de lires italiennes pour régler à l’amiable, même en dérogeant aux dispositions législatives régissant la matière, les litiges avec toute personne physique ayant subi un préjudice en conséquence du naufrage du bateau Kater I Rades.

 

B.  Le droit interne pertinent

  Avant le naufrage du Kater I Rades, une forte vague d’immigration clandestine se produisait de l’Albanie vers l’Italie. Pour faire face à cette situation, l’Etat italien avait adopté des mesures d’urgence, notamment :

  a)  le décret-loi n° 60 du 19 mai 1997, incorporé dans la loi n° 128 du 19 mai 1997, donnant au préfet le pouvoir de retirer le visa provisoire d’entrée et d’accompagner sans délai à la frontière tout citoyen albanais menant des activités dangereuses pour la sûreté publique (article 2 §§ 2 et 3). Il était en outre prévu que le préfet pouvait ordonner l’expulsion immédiate de tout citoyen étranger qui, sans motif valable, refusait de produire à l’autorité publique son permis de séjour ou son visa provisoire (article 2 § 5). Contre les décisions du préfet, un recours sans effet suspensif pouvait être formé devant le tribunal administratif (article 2 §§ 3 et 5) ;

  b)  l’ordre du 24 mars 1997 à toutes les autorités chargées d’assurer la sûreté publique, d’empêcher les clandestins albanais d’entrer illégalement en Italie. Cet ordre fut donné à la suite d’un accord du 23 mars 1997 entre les chefs de gouvernement italien et albanais, prévoyant un « blocus naval » dans les eaux territoriales albanaises et internationales ;

  c)  un accord entre les ministres des Affaires étrangères italien et albanais du 25 mars 1997 (ci-après « la Convention italo-albanaise »), autorisant les bateaux militaires italiens à arraisonner, dans les eaux internationales ou dans les eaux territoriales albanaises, tout bateau transportant des citoyens albanais s’étant soustraits aux contrôles exercés sur le territoire albanais par les autorités compétentes de ce pays. Les modalités d’exécution de la Convention italo-albanaise furent arrêtées dans un Protocole signé par les ministres de la Défense italien et albanais le 2 avril 1997, c’est-à-dire après le naufrage du Kater I Rades. Ce Protocole autorisait notamment les navires de guerre italiens à :

-  pénétrer dans les eaux territoriales albanaises ;

-  demander à tout bateau des informations quant à la nationalité de ses passagers, à leur provenance et à leur destination ;

-  inspecter les bateaux en question pour vérifier la véracité des     informations reçues ;

-  ordonner à tout bateau de faire demi-tour dans un port albanais lorsque son équipage avait refusé l’inspection ou lorsque des irrégularités avaient été décelées.

 

 

GRIEFS

  1.  Les requérants, agissant soit en leur nom propre, soit en leur qualité de parents de personnes ayant trouvé la mort dans le naufrage du Kater I Rades, invoquent l’article 2 de la Convention. Ils se plaignent de la conduite du Sibilla, qui a provoqué le décès de certains membres de leurs familles et mis leur vie en danger.

  2.  Invoquant les articles 3 et 5 § 1 de la Convention ainsi que des textes autres que la Convention, les requérants, agissant soit en leur nom propre, soit en leur qualité de parents de personnes ayant trouvé la mort dans le naufrage du Kater I Rades, soutiennent que le blocus naval contre les bateaux albanais visait à mettre en danger la vie et l’intégrité physique des clandestins albanais.

  3.  Invoquant l’article 2 § 2 du Protocole n° 4, les requérants allèguent avoir privés du droit de quitter leur pays.

  4.  Invoquant les articles 13 et 14 de la Convention et 4 du Protocole n° 4, les requérants se plaignent du fait que le recours au tribunal administratif contre la décision d’expulsion d’un étranger n’a pas d’effet suspensif.

 

 

EN DROIT

  1.  Les requérants, agissant soit en leur nom propre, soit en leur qualité de parents de personnes ayant trouvé la mort dans le naufrage du Kater I Rades, se plaignent de la conduite du Sibilla, qui a provoqué le décès de certains membres de leurs familles et mis leur vie en danger. Ils invoquent l’article 2 de la Convention, ainsi libellé :

 «  1.  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

 2.  La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:

 a)  pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

 b)  pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une       personne régulièrement détenue;

 c)  pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

  Les requérants considèrent que l’accident a eu lieu suite à l’application des mesures prévues par le décret-loi n° 60 du 19 mai 1997 et par la Convention italo-albanaise, textes qui visent à empêcher à tout prix l’entrée de citoyens albanais en Italie, sans tenir compte des dangers que l’adoption des mesures en question peut entraîner pour la vie de ces derniers.

  La Cour note d’emblée que le naufrage du Kater I Rades a été directement provoqué par le navire de guerre italien Sibilla. Par conséquent, toute doléance sur ce point doit être considérée comme étant dirigée exclusivement contre l’Italie. Le fait que l’Albanie est partie à la Convention italo-albanaise ne saurait, à lui seul, engager la responsabilité de cet Etat au regard de la Convention pour toute mesure adoptée par les autorités italiennes en exécution de l’accord international en question.

  La Cour constate de surcroît que les requérants n’ont fourni aucun élément susceptible d’amener à croire que le naufrage du Kater I Rades ait été provoqué « intentionnellement ».

  Elle rappelle cependant que la première phrase de l’article 2 § 1 astreint les Etats non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière mais aussi à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction (arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3159, § 115). En outre, l’obligation imposée par cette disposition, combinée avec le devoir général incombant aux Etats en vertu de l'article 1 de la Convention de « reconna[ître] à toute personne relevant de [leur] juridiction les droits et libertés définis [dans] la (...) Convention », implique et exige de mener une forme d'enquête officielle, efficace, indépendante et publique lorsque les actes des agents de l'Etat ont entraîné la mort d'homme (arrêts McCann et autres c. Royaume-Uni du 27 septembre 1995, série A n° 324, p. 49, § 161, et Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 324, §§ 86-87). Par ailleurs, d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Gül c. Suisse du 19 février 1996, Recueil 1996-I, p. 175, § 38, et Ahmut c. Pays-Bas du 28 novembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2033, § 67).

  La Cour observe qu’en l’espèce des poursuites ont été entamées contre X, le commandant du Sibilla, qui a été accusé d’homicide involontaire et d’avoir provoqué un naufrage, et qui a été renvoyé en jugement devant le tribunal compétent. Rien ne permet de penser que l’enquête menée par les autorités italiennes a été inefficace ou non indépendante.

  Par ailleurs, les débats devant le tribunal de Brindisi sont publics et au cours de ceux-ci les requérants ont eu la possibilité de se constituer parties civiles et de faire ainsi valoir leur droit à la réparation. La procédure judiciaire contre X vise précisément à établir si la conduite prétendument négligente de l’accusé a exposé les passagers du Kater I Rades à un danger disproportionné par rapport au but légitime de la protection de la sûreté nationale, et donc à déterminer si les mesures visant le contrôle de l’immigration ont été appliquées de manière incompatible avec l’obligation qui pèse sur les Etats de protéger le droit à la vie de toute personne. Cette procédure était encore pendante au 21 décembre 2000. A cette date, un peu plus de trois ans et huit mois s’étaient écoulés depuis l’accident. Compte tenu de la complexité de l’affaire, résultant notamment de l’exigence d’établir de nombreux rapports d’expertise, la Cour considère que la durée globale de la procédure contre X n’était pas, à cette date-là, assez importante pour conclure que les requérants seraient dispensés de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes. Leurs allégations sur ce point sont donc prématurées.

  Il s’ensuit que ce grief doit à ce stade être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. 

 

  2.  Les requérants, agissant soit en leur nom propre, soit en leur qualité de parents de personnes ayant trouvé la mort dans le naufrage du Kater I Rades, soutiennent que le blocus naval contre les bateaux albanais visait à mettre en danger la vie et l’intégrité physique des clandestins albanais. Ils invoquent des textes autres que la Convention, ainsi que les articles 3 et 5 § 1 de cette dernière.

  L’article 3 de la Convention est ainsi libellé :

 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

  Dans ses parties pertinentes, l’article 5 § 1 se lit ainsi :

 « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. (...) »

  La Cour rappelle d’emblée que selon la jurisprudence des organes de la Convention, le « droit (...) à la sûreté » mentionné dans la première phrase de l’article 5 § 1 est une garantie contre l’arbitraire en matière d’arrestation et de détention (Dyer c. Royaume-Uni, requête n° 10475/83, décision de la Commission du 9 octobre 1984, point 25 (des extraits sont publiés dans Décisions et rapports 39, pp. 246-266)). Les requérants n’ayant été ni arrêtés ni privés de leur liberté, aucune apparence de violation de cette disposition ne saurait être établie en l’espèce.

  Pour ce qui est de l’article 3 de la Convention, la Cour estime que ce grief porte sur les mêmes faits qu’elle vient d’analyser sous l’angle de l’article 2. Elle rappelle que les requérants n’ont fourni aucun élément amenant à croire que le naufrage du Kater I Rades ait été provoqué intentionnellement. La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les autorités nationales auraient visé à mettre en danger la vie et l’intégrité physique des clandestins albanais, les soumettant ainsi à des traitements inhumains et dégradants. Par ailleurs, la procédure pénale visant à établir les responsabilités du commandant du Sibilla était au 21 décembre 2000 encore pendante, et toute allégation sur ce point est par conséquent prématurée.

  Il s’ensuit que ce grief doit à ce stade être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. 

 

  3.  Les requérants allèguent avoir été privés du droit de quitter leur pays. Ils invoquent l’article 2 § 2 du Protocole n° 4, ainsi libellé :

 « Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. »

  La Cour relève que les mesures mises en cause par les requérants ne visaient pas à les priver du droit de quitter l’Albanie, mais à les empêcher d’entrer sur le territoire italien. Le second paragraphe de l’article 2 du Protocole n° 4 ne trouve donc pas à s’appliquer en l’espèce.

  Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3, et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4. 

 

  4.  Les requérants observent qu’aux termes de l’article 2 §§ 2 et 5 du décret-loi n° 60 du 19 mai 1997, le recours au tribunal administratif contre la décision d’expulser un étranger n’a pas d’effet suspensif, ce qui violerait les articles 13 et 14 de la Convention et 4 du Protocole n° 4. 

 

 

  L’article 13 de la Convention dispose :

 « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » 

 

  L’article 14 est ainsi libellé :

 « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

  L’article 4 du Protocole n° 4 se lit comme suit :

 « Les expulsions collectives d’étrangers sont interdites. »

  La Cour observe que les requérants se plaignent de la compatibilité in abstracto avec la Convention de certaines dispositions du décret-loi n° 60 du 19 mai 1997, lequel est un acte normatif de portée générale adopté par les autorités italiennes. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, ne peut se prétendre victime d'une violation de la Convention que celui qui est capable de montrer qu'il est personnellement affecté, autrement que tout autre citoyen, par la loi qu'il critique puisque la Convention n’autorise pas une telle actio popularis (arrêts Ilhan c. Turquie du 27 juin 2000, § 52, et Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande du 29 octobre 1992, série A n° 246, p. 22, § 44). En l’espèce, les requérants n’ont pas allégué avoir fait l’objet d’une procédure d’expulsion ou avoir introduit un recours sans effet suspensif au tribunal administratif. Dès lors, ils ne peuvent se prétendre victimes d’une violation des dispositions qu’ils invoquent, au sens de l’article 34 de la Convention.

  Il s'ensuit que ce grief est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 35 § 3, et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

  Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

      Vincent Berger Georg Ress 

 Greffier Président

ANNEXE 

 

LISTE DES REQUÉRANTS 

 

1)  M. Viron XHAVARA est né en 1961 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

2) M. Lavidosh BALA est né en 1954 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

3) M. Ermal RAPUSHI est né en 1978 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

4) M. Krenar XHAVARA est né en 1968 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

5) M. Renato MUCO est né en 1978 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

6) M. Eduart SULA est né en 1970 et réside à Fier (Albanie) ; 

 

7) M. Sali BEGOTARA est né en 1955 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

8) M. Bestrova BARDHOSH est né en 1962 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

9) M. Mehmeti RRAPO est né en 1971 et réside à Fier (Albanie) ; 

 

10) M. Ismete DEMIRI est né en 1956 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

11) M. Aleksander GREKO est né en 1975 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

12) M. Gezim ALIAJ est né en 1959 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

13) M. Bledar DELIAJ est né en 1978 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

14) M. Viktor GODO est né en 1949 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

15) M. Gengi MUSTAFAI est né en 1977 et réside à Valona (Albanie) ; 

 

16) M. Arben CELA est né en 1979 et réside à Valona (Albanie).