QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 45676/99 
présentée par Alain MAILLET 
contre la France 
 

  La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 12 novembre 2002 en une chambre composée de

      Sir Nicolas Bratza, président
 MM. M. Pellonpää, 
  J.-P. Costa, 
  A. Pastor Ridruejo, 
 Mme E. Palm, 
 MM. M. Fischbach, 
  J. Casadevall, juges
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

  Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 20 février 1998,

  Vu l’article 5 § 2 du Protocole no 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

  Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

  Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

 
 

 
EN FAIT

  Le requérant, Alain Maillet, est un ressortissant français, né en 1954. Il est incarcéré au centre de détention de Val de Reuil. Il est représenté devant la Cour par Me L. Hincker, avocat à Strasbourg.

A.  Les circonstances de l’espèce

  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

  Par arrêt du 23 avril 1996, la cour d’appel de Versailles renvoya le requérant devant la cour d’assises du département des Hauts de Seine sous l’accusation de vols avec armes. Dans le cadre de cette procédure, le requérant fut représenté par Q., avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle. Par arrêt du 1er octobre 1996, la Cour de cassation déchut le requérant de son pourvoi dirigé contre l’arrêt de renvoi en assises, car ni le requérant ni l’avocat commis d’office, Q., n’avait déposé le mémoire dans le délai légal.

  Le requérant fut condamné le 26 mars 1997 par la cour d’assises des Hauts de Seine à dix ans de réclusion criminelle pour vol avec arme en état de récidive. Devant cette cour, il était représenté par le même avocat désigné d’office au titre de l’aide juridictionnelle, à savoir Q.

  Le requérant forma un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises, qui fut enregistré au greffe de la Cour de cassation le 7 avril 1997. Il apparaît qu’aucune demande d’aide juridictionnelle ne fut formée dans le cadre de cette procédure. Toutefois, Q. rédigea un mémoire au soutien du pourvoi du requérant qu’il déposa après l’avoir signé.

  Par arrêt du 26 novembre 1997, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle s’exprima comme suit :

 « (...) Attendu que ce mémoire, non signé par le demandeur, ne porte que la signature de son conseil, avocat au barreau de Versailles ; que, dès lors, ne remplissant pas les conditions exigées par l’article 584 du code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu’il peut contenir ;

 Et que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ; »

  Le requérant fut informé du rejet de son pourvoi par son avocat mais ne reçut pas copie du texte de l’arrêt. Le 20 février 1998, il saisit la Cour. Au début du mois de mars 1999 et suite à une demande expresse du greffe de la Cour, le requérant contacta la Cour de cassation afin d’obtenir une copie de son arrêt. Il en reçut copie le 22 mars 1999.

B.  Droit interne pertinent

Dispositions relatives à l’aide juridictionnelle

  La loi no 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d’application no 91-1266 du 19 décembre 1991 ont institué le système français d’aide juridictionnelle permettant aux personnes dont les ressources sont insuffisantes de faire valoir leurs droits en justice. Selon l’article 2 de la loi, « les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Cette aide est totale ou partielle ».

  Ce sont les bureaux d’aide juridictionnelle instaurés auprès de chaque juridiction qui examinent les demandes relatives aux affaires portées devant la juridiction concernée. Le bureau établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette cour, le greffier en chef en est le vice-président et il comprend également deux membres choisis par la haute juridiction, deux fonctionnaires, deux auxiliaires de justice dont au moins un avocat ainsi qu’un membre désigné au titre des usagers (article 16 de la loi).

Article 584 du code de procédure pénale

 « Le demandeur en cassation, soit en faisant sa déclaration, soit dans les dix jours suivants, peut déposer, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, un mémoire signé par lui, contenant ses moyens de cassation ; le greffier lui en délivre reçu. »

  Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’exigence de signature est entendue strictement : « Un mémoire non signé est irrecevable (Cass. crim. 11.7.1990, Bull. crim. no 281). Le mémoire doit être signé par le demandeur ; la signature de son avoué ne saisit pas la Cour de cassation des moyens invoqués (Cass. crim. 19 Janv. 1961, Bull. crim. no 37) ... pas plus que celle de son avocat (Cass. crim. 23 mai 1973, Bull. crim. no 234)... fût-il muni d’un pouvoir spécial (Cass. crim. 2 déc. 1991, Bull. crim. no 449) ». Il existe une exception à cette règle : le cas de force majeure (Cass.crim. 31 mars 1993, Bull. crim. no 138).

 
GRIEFS

  1.  Dans une lettre du 22 mars 1999, postérieure à la requête, le requérant se plaint des deux arrêts de la Cour de cassation. Il se plaint du rejet de son pourvoi par arrêt du 26 novembre 1997 du fait qu’il n’avait pas signé le mémoire rédigé par son avocat commis d’office. Il invoque la violation de ses droits.

  2.  Le requérant se plaint de ne pas avoir pu s’exprimer librement devant la cour d’assises en violation de l’article 10 de la Convention.

 
EN DROIT

  1.  Le requérant se plaint du défaut d’accès à la Cour de cassation, en raison de l’irrecevabilité de son pourvoi, et invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

  Le Gouvernement soulève d’abord une exception d’irrecevabilité pour non-respect du délai de six mois. Il considère en effet que, lors du dépôt de la requête le 20 février 1998, le requérant n’a invoqué que des griefs à l’encontre de la seule procédure devant la cour d’assises et non pas contre le rejet de son pourvoi en cassation du 26 novembre 1997. Le requérant n’a allégué de grief à l’encontre de la procédure devant la Cour de cassation qu’à compter du mois de mars 1999, dans une série de courriers datés des 19 mars, 22 mars et 2 avril 1999, soit postérieurement au délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention.

  Le requérant estime, pour sa part, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le délai de six mois court à compter de la connaissance acquise et suffisamment claire du contenu de la dernière décision interne. Il précise que ce n’est que le 22 mars 1999, lorsqu’il a reçu une copie de l’arrêt, qu’il a pris connaissance du contenu de la décision du 26 novembre 1997 de la Cour de cassation. C’est seulement à ce moment-là que le requérant a estimé que cette décision portait atteinte à ses droits et il a fait part à la Cour de ses griefs dans ses lettres des 19 et 22 mars et 2 avril 1999.

  Toutefois, la Cour n’estime pas nécessaire en l’occurrence de trancher la question, car de toute manière elle considère que le grief dans sa totalité est manifestement mal fondé.

  Ensuite, le Gouvernement estime que le grief est manifestement mal fondé. Il considère que le rejet du pourvoi en cassation répond aux critères définis par la jurisprudence des organes de Strasbourg. Il estime que les formalités procédurales de l’article 584 du code de procédure pénale sont conformes aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention compte tenu, d’une part, de la spécificité du pourvoi en cassation et, d’autre part, de la légitimité de ces formalités, puisqu’elles visent à vérifier que le mémoire est bien l’œuvre du demandeur. Le Gouvernement est d’avis que la jurisprudence de la Cour de cassation était claire et constante, et que l’irrecevabilité du pourvoi était prévisible pour un professionnel du droit tel que l’avocat du requérant.

  Le Gouvernement rappelle également la jurisprudence de la Cour selon laquelle le droit d’accès à un tribunal ne revêt pas un caractère absolu et que les Etats disposent d’une certaine marge d’appréciation pour définir les conditions de recevabilité d’un recours (Ashingdane c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, série A no 93, pp. 24-25, § 57).

  Conformément à l’arrêt précité, il estime que l’existence d’un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » a été respectée en l’espèce. Le principe posé à l’article 584 du code de procédure pénale n’a pas de caractère absolu, étant donné qu’un mémoire personnel non signé de la main du demandeur au pourvoi peut être déclaré recevable par la Cour de cassation, dès lors que ce demandeur justifie d’un cas de force majeure. Le Gouvernement ajoute que le requérant avait la possibilité de recourir aux services d’un avocat à la Cour de cassation et de déposer une demande d’aide juridictionnelle s’il ne disposait pas de moyens financiers suffisants. Il constate toutefois que le requérant n’a pas fait usage de ces possibilités dans le cadre de sa procédure. Il rappelle enfin que la Cour de cassation, même si elle constate qu’un mémoire est irrecevable, recherche néanmoins si l’arrêt est régulier en la forme et s’il ne laisse apparaître aucune irrégularité qu’elle devrait relever d’office. En l’occurrence, ladite Cour a estimé que la procédure avait été régulièrement menée devant la cour d’assises avant de prononcer le rejet du pourvoi. Le Gouvernement conclut qu’il n’y a pas eu d’atteinte au droit d’accès à un tribunal.

  Le requérant constate que l’accès à la Cour de cassation lui a été refusé dans la mesure où son pourvoi a été rejeté pour des questions de forme et ses arguments n’ont pas été examinés sur le fond. Il n’ignore pas la jurisprudence de la Cour selon laquelle le droit d’accès à un tribunal n’est pas un droit absolu et peut faire l’objet de réglementations de la part des Etats qui jouissent d’une certaine marge d’appréciation. Toutefois, ces limitations doivent viser un but légitime et il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Bellet c. France, arrêt du 4 décembre 1995, série A no 333-B, § 31). Or, ces conditions n’ont pas été respectées dans son affaire.

  Si le but légitime à cette règle litigieuse semble viser une bonne administration de la justice, la disproportion existant entre l’atteinte à son droit d’accès au tribunal et sa justification n’est pas raisonnable. En effet, sa condition de détenu représenté par un avocat d’office lui a ôté la possibilité de s’assurer du respect des règles de procédure devant la Cour de cassation. Il insiste sur sa condamnation pénale et l’importance de voir son pourvoi en cassation examiné. Il estime par ailleurs que le manque de moyens financiers ne lui a pas permis de bénéficier de l’assistance d’un avocat aux Conseils. Certes, il aurait pu demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle à cette fin, mais il doute qu’en l’espèce cette aide lui aurait été octroyée, étant donné que l’octroi n’est pas systématique. Il ajoute que s’il avait pu avoir une telle assistance, l’absence de signature sur le mémoire en cassation n’aurait pas constitué un défaut, puisque, paradoxalement, les pourvois en cassation présentés par des avocats aux Conseils sont dispensés d’une telle exigence formelle.

  La Cour rappelle que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect, n’est pas absolu ; il se prête à des limitations implicitement admises, notamment pour les conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat qui jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (Ashingdane c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, série A no 93, pp. 24-25, § 57). Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit d’accès à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir notamment Fayed c. Royaume-Uni, arrêt du 21 septembre 1994, série A no 294-B, pp. 49-50, § 65, et Levages Prestations Services c. France, arrêt du 23 septembre 1996 Recueil 1996-V, p. 1543, § 40).

  La Cour rappelle également qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et aux tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998–I, p. 290, § 33). Ceci est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles de nature procédurale telles que les formes et les délais régissant l’introduction d’un recours (Perez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3255, § 43). Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. 

  En l’espèce, la Cour constate que le pourvoi du requérant a été déclaré irrecevable sur la base de l’article 584 du code de procédure pénale qui impose à la personne qui se pourvoit en cassation sans se faire représenter par un avocat aux Conseils de signer personnellement le mémoire contenant ses moyens de cassation.

  La Cour relève que, en droit français, en raison du caractère spécifique du pourvoi en cassation, le demandeur en cassation doit avoir recours, en principe, à un avocat spécialisé inscrit à l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Toutefois, le demandeur peut, dans certains cas, se défendre seul. Il doit alors remplir les conditions prévues par l’article 584 du code de procédure pénale, à savoir déposer un mémoire signé de sa main. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, cette exigence de signature est entendue strictement et sa non-satisfaction entraîne l’irrecevabilité du mémoire (voir partie sur le droit interne pertinent ci-dessus). Ce formalisme entend protéger le demandeur au pourvoi en authentifiant le mémoire comme étant son œuvre ou en attestant sa totale adhésion à son contenu, lorsque l’auteur en est un avocat.

  La Cour considère que la réglementation relative aux formes à respecter pour introduire un recours vise à assurer une bonne administration de la justice, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties. La Cour estime que ce but est légitime au sens de la jurisprudence précitée.

  La Cour constate également que l’exigence de signature établie par l’article 584 du code de procédure pénale constitue une règle ancienne, interprétée par une jurisprudence claire et cohérente. Il apparaît donc que le conseil du requérant, en sa qualité de professionnel du droit, était en mesure de connaître précisément ses obligations en matière d’introduction d’un pourvoi en cassation (cf. Melin c. France, arrêt du 22 juin 1993, série A no 261-A, p. 12, §§ 24-25 ; Levage Prestations Services, arrêt précité, p. 1543, § 41).

  Il reste à la Cour à examiner si, au vu des circonstances de l’espèce, l’irrecevabilité du pourvoi en cassation, tout en étant prévisible, n’a pas porté atteinte au droit d’accès du requérant à un tribunal.

  La Cour réaffirme à cet égard que l’article 6 de la Convention n’astreint pas les Etats contractants à créer des cours d’appel ou de cassation. Néanmoins, un Etat qui se dote de juridictions de cette nature a l’obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d’elles des garanties fondamentales de l’article 6 (voir, parmi d’autres, Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 14, § 25). La manière dont l’article 6 § 1 s’y applique dépend des particularités de la procédure en cause. Pour en juger, il faut prendre en compte l’ensemble du procès mené dans l’ordre juridique interne et le rôle qu’y a joué la juridiction de cassation, les conditions de recevabilité d’un pourvoi pouvant être plus rigoureuses que pour un appel (voir, parmi d’autres, Brualla Gomez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997–VIII, p. 2956, § 37 ).

  En l’espèce, le requérant soutient que, eu égard à sa condition de détenu représenté par un avocat d’office, le rapport existant entre l’atteinte à son droit d’accès à la Cour de cassation et sa justification est disproportionné. 

  La Cour ne saurait partager ce point de vue. Elle constate que le requérant était assisté d’un avocat qui avait certes été commis d’office, mais lors des instances précédentes. C’est de son propre chef que le requérant, qui n’a pas demandé l’aide juridictionnelle auprès de la Cour de cassation, a confié la préparation du mémoire relatif à son pourvoi à Q., qui l’avait représenté lors de procédures antérieures.

  En effet, la Cour relève que le système français propose aux justiciables dans la situation du requérant d’opérer un choix, à savoir être ou non représentés par un avocat. Selon la jurisprudence de la Cour, « une telle option est sans aucun doute de nature à justifier une différence de procédure, dès lors que le fait d’être ou non représenté est la conséquence, non pas d’une règle de droit automatique, mais du choix du justiciable lui-même. Il va de soi que l’exercice d’un tel choix, et partant la renonciation aux avantages procurés par l’assistance d’un avocat aux Conseils, doivent se trouver établis de manière non équivoque »  (voir l’arrêt Meftah et autres c. France du 26 juillet 2002 (requêtes nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97), [G.C.], § 46). La Cour considère que le droit français offre des garanties suffisantes à cet égard. Confronté à ce choix, le requérant a décidé lui-même de ne pas faire de demande d’aide juridictionnelle et de ne pas avoir recours aux services d’un avocat aux Conseils. Il a choisi de continuer à s’assurer les services de Q. pour déposer son pourvoi en cassation. En tout état de cause, le requérant était assisté d’un avocat inscrit au barreau parfaitement en mesure de l’informer, d’une part, sur les conséquences de son choix et, d’autre part, sur les formalités à effectuer.

  En conséquence, au vu de ce qui précède, et compte tenu de la spécificité de la procédure devant la Cour de cassation, la Cour peut admettre qu’un formalisme plus grand assortisse la procédure suivie devant celle-ci. Le choix du requérant de ne pas avoir recours à un avocat aux Conseils peut donc justifier que son pourvoi soit soumis à des conditions de recevabilité plus rigoureuses et que sa signature soit exigée. En l’espèce, la Cour estime que le requérant ou son avocat avaient la possibilité de s’assurer du respect des règles de procédure devant la Cour de cassation.

  Par ailleurs, la Cour note que la déclaration d’irrecevabilité prononcée en l’espèce par la Cour de cassation a pénalisé le requérant pour une erreur matérielle commise dans la préparation de son recours. Comme le requérant le reconnaît lui-même, son avocat est responsable de cette erreur. La Cour estime que la responsabilité des défaillances d’un avocat choisi par le requérant ne saurait être imputée au Gouvernement. En raison de l’indépendance du barreau, la conduite de la défense relève pour l’essentiel de l’intéressé et de son représentant (voir notamment Imbrioscia c. Suisse, arrêt du 24 novembre 1993, série A no 275, § 41).

  La Cour conclut que le refus de la Cour de cassation de prendre en considération les moyens de cassation préparés par le requérant et son avocat résulte de l’application de la règle prévue à l’article 584 du code de procédure pénale, telle que les tribunaux l’ont constamment interprétée. Comme telle, la règle définit une condition formelle de recevabilité d’un recours, nécessaire à la bonne administration de la justice. Si, en l’occurrence, le requérant n’a pas signé son pourvoi en cassation, et attribue cette erreur à une négligence de son avocat, il lui était loisible d’éviter cette situation en s’assurant les services d’un avocat spécialisé.

  En conséquence, il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

  2.  Le requérant allègue une violation du principe de la liberté d’expression du fait qu’il n’a pas pu s’exprimer librement devant la cour d’assises. Il invoque l’article 10 de la Convention ainsi libellé :

 « 1.  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

 2.  L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

  Or, selon l’article 35 § 1 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes (...) ». En l’espèce, il n’apparaît pas que le requérant ait, à cet égard, épuisé les voies de recours internes, puisqu’il n’a pas soulevé ce grief, expressément ou en substance, devant les juridictions nationales.

  Il n’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

  Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

Déclare la requête irrecevable.

 
 
      Michael O’Boyle Nicolas Bratza 
 Greffier Président