DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 48799/99 
présentée par Erich PRIEBKE 
contre l’Italie

  La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 5 avril 2001 en une chambre composée de

      MM. C.L. Rozakis, président,

            A.B. Baka, 
  G. Bonello, 
 Mme V. Strážnická, 
 M. M. Fischbach, 
 Mme M. Tsatsa-Nikolovska,

      M. E. Levits, juges
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

  Vu la requête susmentionnée introduite le 10 mai 1999 et enregistrée le 15 juin 1999,

  Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

 
 

EN FAIT

  Le requérant est un ressortissant allemand, né en 1913 et actuellement assigné à domicile à Rome. Il est représenté devant la Cour par M. P. Giachini, retraité à Rome.

A.  Les circonstances de l’espèce

  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1.  La tuerie des « Fosse Ardeatine » et la fuite du requérant vers l’Argentine

  Après le 8 septembre 1943, le requérant fut chargé de diriger les forces de la police allemande qui se trouvaient à Rome et fut placé sous l’autorité du colonel Herbert Kappler.

  Le 23 mars 1944, un groupe de résistants fit un attentat en Via Rasella à Rome, qui provoqua le décès de trente-deux soldats allemands.

  Le 23 mars 1944, le commandement allemand à Rome reçut l’ordre, provenant en dernier ressort d’Adolf Hitler lui-même, d’entamer de représailles à l’encontre de la population civile. Dix citoyens italiens auraient dû être exécutés pour chaque soldat allemand décédé. Le nombre des victimes aurait donc dû être 320.

  Cependant, un autre soldat allemand étant entre-temps décédé à la suite des blessures subies lors de l’attentat, le colonel Kappler ordonna d’exécuter dix autres personnes d’origine juive.

  L’exécution, dirigée par le requérant, eut lieu près de Rome, à un endroit nommé « Fosse ardeatine ». Trois cent trente cinq civils italiens furent tués. La proportion imposée par Hitler et résultant des ordres du colonel Kappler avait donc été dépassée, cinq personnes de plus ayant été exécutées.

  A la fin de la guerre, le requérant fut arrêté par les forces alliées et privé de sa liberté jusqu’au 31 décembre 1946, date à laquelle il prit la fuite. Accompagné par sa famille, il se rendit ensuite en Argentine, où il résida jusqu’au 21 novembre 1995.

2.  Le procès contre le colonel Kappler et ses cinq coïnculpés

  La tuerie des Fosse Ardeatine fit l’objet d’un procès devant le tribunal militaire de Rome, dirigé notamment contre le colonel Kappler et cinq autres officiers allemands.

  Par un jugement du 20 juillet 1948, le tribunal militaire estima que M. Kappler devait être tenu pour responsable de la mort de quinze personnes et le condamna à la prison à vie. Il observa notamment que l’ordre de représailles concernait à l’origine l’exécution de 320 personnes. Cet ordre était illégitime, mais il ne pouvait pas être exclu que le colonel Kappler l’avait estimé, à l’époque de faits, parfaitement légal. N’ayant pas été prouvé que l’accusé était conscient de réaliser un crime, il devait être relaxé du chef d’accusation concernant l’homicide de ces 320 personnes. Il en allait autrement en ce qui concernait l’exécution de dix juifs et l’homicide des cinq personnes exécutées par erreur, dont l’accusé devait être entièrement tenu pour responsable. En effet, le premier crime avait été décidé de façon autonome par le colonel Kappler, alors que le deuxième avait été commis pour manque d’humanité et de contrôle.

  Le tribunal relaxa en outre les cinq officiers allemands coïnculpés, au motif qu’ils avaient agi pour ordre d’un supérieur hiérarchique. Le tribunal souligna notamment que ces cinq personnes faisaient partie d’une organisation au sein de laquelle la discipline était extrêmement rigide, qu’elles pouvaient raisonnablement craindre d’être dénoncées aux tribunaux militaires allemands et qu’elles ignoraient les raisons pour lesquelles l’exécution des Fosse Ardeatine avait été ordonnée. Dès lors, on pouvait exclure qu’elles étaient pleinement conscientes d’exécuter un ordre illégal.

3.  L’arrestation du requérant en Argentine et son extradition vers l’Italie

  Le 6 mai 1994, un journaliste américain filma une rencontre avec le requérant en Argentine. A la demande du journaliste, le requérant révéla son identité.

  Cette découverte eut des répercussions importantes sur la presse et dans l’opinion publique italiennes.

  Le parquet de Rome demanda alors l’arrestation du requérant, accusé d’avoir provoqué, en temps de guerre et en collaboration avec le colonel Kappler et d’autres militaires allemands, la mort de trois cent trente cinq personnes.

  Le 9 mai 1994, le juge des investigations préliminaires auprès du tribunal militaire de Rome ordonna que le requérant fût appréhendé et placé en détention provisoire. Le même jour, le ministre de la Justice demanda l’extradition du requérant.

  Le 10 mai 1994, le juge de San Carlos de Bariloce (Argentine) plaça le requérant sous écrou extraditionnel et ordonna son assignation à domicile.

  Le 21 novembre 1995, le requérant fut extradé de l’Argentine vers l’Italie. Après un voyage en avion d’environ vingt heures, il parvint à l’aéroport de Fiumicino, où il fut appréhendé par la police italienne et amené au pénitencier militaire de Rome. Il fut ensuite interrogé pendant « plusieurs heures ». La loi italienne garantit à toute personne accusée d’une infraction le droit de garder le silence et de ne pas répondre aux interrogatoires.

  Le requérant fut ensuite placé en détention provisoire. Au cours de celle-ci et jusqu’au 18 mars 1997, il fut soumis à un régime d’isolation et toute visite avec les membres de sa famille fut interdite.

4.  La première procédure devant le tribunal militaire de Rome

  Par une ordonnance du 4 avril 1996, le juge des investigations préliminaires de Rome renvoya le requérant en jugement devant le tribunal militaire de cette même ville.

  A l’audience du 10 mai 1996, I., représentant du parquet militaire, critiqua la thèse selon laquelle les auteurs de l’attentat de Via Rasella pouvaient être tenu pour responsable de la réaction allemande, observant qu’une telle opinion méconnaissait « la valeur de la résistance, qui est l’une des valeurs qui fondent notre République ; sur ce point le parquet ne tolérera aucune divagation ; la résistance est inscrite dans notre ADN, est inscrite dans notre Constitution ». I. déclara en outre que « ce qui faisaient partie de SS étaient des volontaires et avaient tous adhéré à l’idéologie aberrante du régime national-socialiste ».

  Au cours des débats, le texte du jugement du 20 juillet 1948 fut produit et joint au dossier du tribunal.

  Le 17 juin 1996, le parquet militaire présenta une demande en récusation à l’encontre des juges composant la chambre du tribunal. Il allégua notamment qu’il ressortait des déclarations de certains témoins que les magistrats en question avaient indûment manifesté leur conviction intime que l’accusé devait être relaxé.

  Par une ordonnance du 8 juillet 1996, la cour militaire d’appel de Rome rejeta cette demande. Le parquet se pourvut en cassation.

  Par un jugement prononcé à l’audience publique du 1er août 1996, le tribunal militaire de Rome, estimant que de circonstances atténuantes devaient être retenues en l’espèce, et que ces dernières étaient équivalentes aux circonstances aggravantes qui avaient été constatées, prononça un non lieu au motif que les faits constitutifs de l’infraction étaient prescrits. Il ordonna également la libération immédiate du requérant.

  Après la lecture du dispositif, certaines personnes présentes à l’audience, parmi lesquelles des parents des victimes des Fosse Ardeatine, commencèrent une manifestation de protestation contre le tribunal. Le requérant ne put pas quitter les lieux.

  La manifestation s’étant poursuivie jusqu’au soir, le ministre de la Justice se rendit devant le tribunal. Il informa les manifestants que le gouvernement allemand aurait demandé l’extradition du requérant, et que de ce fait celui-ci aurait dû rester en état d’arrestation.

  Le 3 août 1996, la cour d’appel de Rome valida l’arrestation du requérant, observant que ce dernier faisait l’objet d’un mandat d’arrêt décerné le 9 juin 1995 par le tribunal de Dortmund (Allemagne). Elle ordonna en outre son placement sous écrou extraditionnel.

  Par une ordonnance du 7 août 1996, le président de la cour d’appel de Rome, estimant que le requérant aurait pu essayer de communiquer des informations portant atteinte au déroulement de la procédure d’extradition, ordonna que sa correspondance fût soumise à un visa de censure. Il ressort de cette décision qu’elle fut prise « au vue de l’article 16 de la loi sur le système judiciaire » (legge sull’ordinamento giudiziario, décret royal n° 12 du 30 janvier 1941). Cependant, cette disposition concerne certains cas d’incompatibilité entre l’office de magistrat et d’autres fonctions publiques et ne semble donc pas pertinente en l’espèce

  Le 16 août 1996, les autorités allemandes demandèrent l’extradition du requérant.

  Le 30 septembre 1996, le tribunal militaire de Rome déposa au greffe le texte de son arrêt du 1er août 1996. Il ressort de ce document que la peine prévue pour le crime dont le requérant était accusé était celle de la prison à vie ; cependant, l’existence de circonstances atténuantes (le fait que le requérant avait exécuté un ordre et qu’une éventuelle désobéissance aurait pu avoir des conséquences très graves pour lui et pour les membres de sa famille) réduisait cette peine à non plus de trente ans d’emprisonnement. Dès lors, le crime du requérant était prescrit depuis le 25 novembre 1966. Il s’agissait, par ailleurs, d’un crime de guerre, et non d’un crime contre l’humanité (qui, en tant que tel, aurait été imprescriptible). En effet, ce dernier type de crime n’avait été introduit dans le système juridique italien qu’en 1967 ; le principe de non rétroactivité de la loi pénale empêchait donc de condamner le requérant pour une infraction qui n’était pas prévue par la loi au moment où elle avait été commise.

  Par un arrêt du 15 octobre 1996, la première chambre de la Cour de cassation, présidée par M. S., statua sur le pourvoi du parquet militaire. Estimant que les juges composant la chambre du tribunal militaire avaient en effet indûment manifesté leur opinion quant aux faits de la cause, elle décida d’annuler l’ordonnance de la cour militaire d’appel du 8 juillet 1996. Elle déclara également la nullité de certains actes du procès de première instance ainsi que la nullité du jugement du tribunal militaire de Rome du 1er août 1996.

5.  La nouveau placement du requérant en détention provisoire et son assignation à domicile

  A la suite de l’arrêt de la Cour de cassation, par une ordonnance du 24 décembre 1996, le juge des investigations préliminaires de Rome plaça à nouveau le requérant en détention provisoire. L’affaire fut ensuite transmise à une autre chambre du tribunal militaire de Rome, qui, par une ordonnance du 25 février 1997, confirma cette mesure de précaution. Le requérant attaqua cette dernière ordonnance d’abord devant la chambre du tribunal militaire chargée de réexaminer les mesure de précaution, puis devant la Cour de cassation. Ses demandes furent rejetées les 18 mars et 7 mai 1997.

  Entre-temps, le 18 mars 1997, les autorités italiennes avaient remplacé la détention provisoire du requérant par son assignation à domicile. Le requérant fut d’abord hébergé dans un couvent, puis, à partir de août 1997, à l’hôpital militaire de Rome. Dans cette dernière structure, il était autorisé à recevoir des visites de la part de ses avocats et d’une personne par jour et à utiliser le téléphone. A une date non précisée, le requérant obtint d’être transféré auprès du domicile privé d’une personne disposée à l’accueillir. Il ressort des documents produits par le requérant qu’au cours de son assignation à domicile, il fut à plusieurs reprises visité par des médecins spécialisés et autorisé à recevoir de visites de la part, entre autres, de certains membres de sa famille.

  Entre-temps, en octobre et novembre 1997, le requérant avait fait l’objet de nombreuses visites médicales de la part de certains médecins de son choix et avait produit des certificats faisant état qu’il souffrait d’une ischémie cérébrale et qu’au vue de son âge avancée la continuation de sa privation de liberté aurait pu comporter une rapide dégradation de ses conditions physiques et mentales. Cependant, son assignation à domicile se poursuivit au moins jusqu’au 16 novembre 1998.

6.  La deuxième procédure devant le tribunal militaire de Rome

  Par un jugement du 22 juillet 1997, dont le texte fut déposé au greffe le 13 septembre 1997, le tribunal militaire condamna le requérant à une peine de quinze ans d’emprisonnement et lui accorda une rémission de peine dans la mesure de dix ans.

  Le tribunal estima notamment que le requérant avait revêtu une position dominante au sein du commandement allemand à Rome, participant à des interrogatoires et pratiquant la torture sur certaines personnes, et avait eu un rôle de premier plan dans l’organisation de la tuerie des Cave Ardeatine. De plus, l’ordre qu’il avait reçu de ses supérieurs était manifestement criminel ; dès lors il devait être tenu pour responsable de son exécution. Par ailleurs, des circonstances aggravantes (l’avoir agi avec préméditation et cruauté) et atténuantes (le fait d’avoir été poussé à commettre le crime par un supérieur hiérarchique - le colonel Kappler - et dans le cadre de ses fonctions, le fait de ne pas avoir commis d’autres infractions après la fin de la guerre, l’âge avancée) devaient être reconnues en l’espèce. Cependant, aux termes de l’article 69 § 4 du code pénal, tel qu’en vigueur à l’époque des faits, aucune comparaison ou équivalence ne pouvait être établie entre les circonstances en question, de sorte que la peine in abstracto applicable au requérant était la prison à perpétuité. En conséquence, aux termes de l’article 157 du code pénal, les faits constitutifs du crime qui lui était reproché n’étaient pas prescrits. A la lumière de cette conclusion, il s’avérait inutile d’établir si le crime dont le requérant était accusé pouvait se qualifier de crime contre l’humanité.

7.  La procédure d’appel

  Par une ordonnance du 6 novembre 1997, la cour d’appel de Rome, observant que le requérant faisait l’objet d’une procédure pénale en Italie et que cette circonstance empêchait son extradition, déclara irrecevable la demande d’extradition présentée par les autorités allemandes.

  Entre-temps, le parquet militaire et le requérant avaient interjeté appel contre le jugement du 22 juillet 1997. Le requérant excipait en premier lieu de la violation du principe du ne bis in idem au motif que la décision litigieuse était incompatible avec le jugement du 20 juillet 1948, par lequel cinq officiers allemands ayant participé au massacre des Fosse Ardeatine avaient été acquittés et le colonel Kappler avait été condamné seulement en relation à quinze exécutions. Le requérant contestait en outre les circonstances aggravantes reconnues à sa charge et demandait le prononcé d’un non-lieu pour prescription.

  A l’audience du 29 janvier 1998, le requérant demanda la convocation et l’audition de Mme A., témoin à décharge qui aurait dû témoigner que son père, arrêté le 23 mars 1944, avait été libéré grâce à l’intervention du requérant.

  Par une ordonnance du même jour, la cour militaire d’appel rejeta cette demande. Elle observa notamment que l’audition en question s’avérait inutile, étant donné que les fonctions exercées par le requérant au sein du commandement allemand à Rome avaient déjà été éclaircies et que de nombreux témoignages avaient fourni des éléments quant au comportement tenu par l’accusé pendant la guerre.

  Par un arrêt du 7 mars 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 15 avril 1998, la cour militaire d’appel de Rome condamna le requérant à la prison à vie.

  La cour observa notamment que le jugement du 20 juillet 1948 avait reconstitué les faits historiques et affirmé l’illégitimité de l’ordre de représailles. La circonstance que certains des accusés avaient été acquittés pour des raisons inhérentes à leur participation psychologique au crime n’empêchait pas de juger le requérant par rapport à ces mêmes faits délictueux et d’évaluer attentivement sa position sur le plan matériel et moral. Quant au fond de l’affaire, la cour militaire d’appel considéra que le tribunal avait correctement établi la présence de circonstances aggravantes ; cependant, elle estima qu’aucune circonstance atténuante ne pouvait être retenue et augmenta par conséquent la peine infligée en première instance.

  Le requérant a attiré l’attention de la Cour sur certaines expressions contenues dans l’arrêt du 22 juillet 1997, qui, selon ses dires, porteraient atteinte à sa réputation et la dignité de l’armée allemande. Les passages incriminés se lisent comme suit :

  -  « (...) le zèle de M. Kappler et de ses argousins (aguzzini) dans l’exécution de cet ordre démentiel démontre (...) que ce dernier était, sans aucune hésitation, partagé par ses exécuteurs » (page 100) ;

  -  « Il n’est pas difficile de voir quel était l’intérêt que Kappler et sa bande (Kappler e la sua banda) pouvaient avoir dans l’exécution (...) » ; (page 101) ;

  -  « L’attentat de Via Rasella avait eu des conséquences négligeables sur le plan militaire (si era risolto in un danno trascurabile sul piano militare) (page 101) ;

  -  « Les accusés [avaient] un remarquable manque de sensibilité pour les valeurs fondamentales, ce qui les rendait par nature non disposés (pregiudizialmente impermeabili) à mettre en discussion toute sorte d’ordre » (page 136) ;

  -  « L’inhumanité des modalités d’exécution du massacre, de nature à obliger les argousins à s’étourdir en se soûlant (...) était un signe éloquent de la barbarie qu’il venaient de réaliser » (page 139) ;

  -  « [Le requérant] apparaît comme l’un des piliers sur lesquels la bande de criminels (la banda di criminali) a pu s’appuyer sur le plan opérationnel » (page 147) ;

  -  « [Le requérant] a eu le temps d’accomplir une profonde réflexion sur la portée toute entière de l’opération (...) » ;

  -  « En conclusion, les années sont passés inutilement pour (...) Priebke, dont la vie apparaît comme la cynique confirmation de l’inégalable méchanceté (ineguagliabile malvagità) montrée dans la réalisation du crime » (pages 181-182).

8.  Les soins dentaires demandés par le requérant

  Le 3 juin 1998, le requérant demanda d’être autorisé à se rendre à sept reprises auprès du cabinet d’un médecin afin de bénéficier de certains soins dentaires.

  Par une ordonnance du 8 juin 1998, la cour militaire d’appel, observant que le requérant n’avait produit aucun certificat attestant la nature de sa maladie et la nécessité des soins sollicités, rejeta cette demande.

  Le 10 juin 1998, le requérant produisit un certificat médical. Par une ordonnance du 12 juin 1998, la cour militaire d’appel ordonna à un médecin spécialisé de l’hôpital militaire de Rome d’effectuer une visite sur le requérant à son domicile et de rédiger un rapport confirmant l’avis médical fourni par l’intéressé.

  Par une ordonnance du 17 juin 1998, la cour militaire d’appel, ayant pris connaissance du rapport en question, autorisa le requérant à quitter son domicile pour obtenir les soins sollicités.

9.  Le pourvoi en cassation du requérant et la campagne de presse liée à son procès

  Le requérant se pourvut en cassation contre l’arrêt de la cour militaire d’appel du 7 mars 1998.

  Par un arrêt du 16 novembre 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 1er décembre 1998, la première chambre de Cour de cassation, présidée par M. S., débouta le requérant de son pourvoi.

  La Cour de cassation estima que la cour militaire d’appel avait motivé de façon logique et correcte tous les points controversés. Elle précisa en outre que le principe du ne bis in idem devait être interprété dans le sens que la même personne ne pouvait pas être jugée deux fois pour le même fait. Il n’empêchait donc pas d’évaluer différemment un même fait dans des jugements rendus à l’égard de personnes différentes. Partant, une décision définitive rendue contre une personne ne liait pas le juge appelé à se prononcer sur la position d’autres coïnculpés.

  Au cours du procès du requérant, de nombreux articles parus dans la presse firent référence à ses vicissitudes judiciaires. Des jugements parfois très sévères furent exprimés à l’égard de sa personnalité et de la nature du crime dont il était accusé. Certains journaux et certains hommes politiques critiquèrent en particulier le jugement du tribunal militaire du 1er août 1996, soutenant en substance qu’il était inadmissible que de faits d’une telle gravité fussent considérés comme prescrits.

10.  Les certifications médicales concernant l’état de santé du requérant et le remplacement de sa détention en prison par son assignation à domicile

  Sa condamnation ayant acquis l’autorité de la chose jugée, à une date non précisée le requérant fut transféré de son domicile à la prison de Rome, afin de purger la peine qui lui avait été infligée.

  Le requérant, alléguant que son état de santé était incompatible avec la détention dans un pénitencier, demanda par la suite, aux termes de l’article 147 § 1 n° 2 du code pénal, la suspension de l’exécution de la peine.

  Par une ordonnance du 4 décembre 1998, le tribunal militaire d’application des peines nomma trois experts et les chargea de rédiger une expertise médicale sur le requérant. Les experts présentèrent leur rapport le 18 janvier 1999. Il ressort de ce document que l’état général de santé du requérant était satisfaisant. Cependant, compte tenu de son âge avancée, l’isolation liée à la privation de liberté aurait pu avoir des conséquences négatives sur les conditions cardiaques et cérébrales du requérant, ainsi que sur son comportement.

  Par une ordonnance du 3 février 1999, dont le texte fut déposé au greffe le 8 février 1999, le tribunal militaire d’application des peines rejeta la demande de suspension de l’exécution de la peine, au motif que, compte tenu de la nature des faits pour lesquels il avait été condamné, la suppression de toute punition pour le requérant aurait été difficilement acceptable. Cependant, estimant qu’à la lumière du rapport d’expertise la détention du requérant dans un pénitencier aurait pu constituer un traitement inhumain et était incompatible avec le principe, inscrit dans la Constitution, selon lequel la peine doit viser la rééducation et la réinsertion du condamné, le tribunal décida d’octroyer au requérant le bénéfice de l’assignation à domicile, prévu à l’article 47ter de la loi n° 354 du 26 juillet 1975, tel que modifié par l’article 4 de la loi n° 165 du 27 mai 1998. Il précisa que le requérant était autorisé à quitter son domicile pour se rendre auprès des cliniques et des hôpitaux pour tout traitement médical nécessaire et qu’il pouvait recevoir des visites de la part des membres de sa famille, de ses avocats et d’un maximum de trois autres personnes par jour.

  Le requérant a purgé sa peine à domicile à partir du 8 février 1999.

11.  Les plaintes du requérant

  Entre-temps, le requérant avait à trois reprises porté plainte pour diffamation à l’encontre de certains journalistes ainsi que des directeurs de deux journaux et d’une chaîne de télévision. Il observait notamment que dans certains articles, les journalistes en question l’avaient qualifié de « bourreau » (boia), et qu’un entretien lors d’une émission télévisée avait été suivi par des commentaires où il était décrit comme un homme glacial (uomo di ghiaccio), qui, n’étant pas repenti, ne ressentait aucun besoin de s’excuser et à l’égard duquel la loi devait être sévère.

  La plainte concernant ces derniers faits fut classé sans suite par une ordonnance du juge des investigations préliminaires de Rome du 6 juin 1997. Les plaintes concernant l’appellation de bourreau furent classées à des dates non précisées, au motif que l’expression en question paraissait justifiée à la lumière du rôle que le requérant avait eu dans la tuerie des Fosse Ardeatine.

B.  Le droit interne pertinent

  L’article 147 § 1 n° 2 du code pénal est ainsi libellé :

  «  L’exécution d’une peine peut être suspendue (differita) : (...)

  2)  lorsqu’une peine de privation de liberté doit être exécutée à l’encontre d’une personne atteinte par une grave infirmité ».

  Dans ses parties pertinentes, l’article 47ter de la loi n° 354 du 26 juillet 1975, tel que modifié par l’article 4 de la loi n° 165 du 27 mai 1998, se lit ainsi :

  « 1.  La peine de l’emprisonnement pour une période non supérieure à quatre ans (...) [peut] être purgée dans la demeure [du condamné] ou dans un autre lieu d’habitation privée lorsqu’il s’agit : (...)

  c)  d’une personne dont l’état de santé est particulièrement grave, et requiert des contacts constants avec les structures hospitalières territoriales ;

  d)  d’une personne âgée de plus de soixante ans, si elle est, même partiellement, handicapée ; (...)

  1ter.  Lorsque on pourrait octroyer le renvoi obligatoire ou facultatif de l’exécution de la peine aux termes des articles 146 et 147 du code pénal, le tribunal d’application des peines peut ordonner la détention domiciliaire aussi lorsque la peine est supérieure à la limite fixée au § 1 (...) ».

 
GRIEFS

  1.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été jugé par un tribunal indépendant et impartial.

  2.  Invoquant l’article 6 § 3 d) de la Convention, le requérant se plaint du refus de la cour militaire d’appel de convoquer Mme A.

  3.  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale contre lui.

  4.  Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant allègue avoir fait l’objet de traitements inhumains et dégradants.

  5.  Invoquant l’article 2 de la Convention, le requérant allègue que l’Etat italien a omis de protéger son droit à la vie.

  6.  Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant se plaint de l’irrégularité et de la durée de sa détention provisoire.

  7.  Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint de la censure de sa correspondance.

 
EN DROIT

  1.  Le requérant se plaint d’un manque d’impartialité et d’indépendance des juridictions nationales. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

  Le requérant observe en premier lieu que M. S. a présidé soit la chambre de la Cour de cassation qui s’est prononcée sur la demande en récusation du parquet, soit celle qui a décidé du bien-fondé de son pourvoi contre l’arrêt de la cour militaire d’appel du 7 mars 1998.

  Il allègue de surcroît que les juges nationaux avaient une idée préconçue quant à sa culpabilité, ce qui ressortirait du fait que les décisions internes, et notamment l’arrêt de la cour militaire d’appel, contiennent plusieurs manifestations de mépris à son égard.

  Le requérant souligne en particulier les circonstances suivantes qui démontreraient, selon une démarche subjective, la prévention dont il aurait fait l’objet :

  -  que lors de l’audience du 10 mai 1996 I., représentant du parquet, aurait publiquement déclaré son adhésion à la résistance, montrant en même temps un mépris le plus total pour ce qui combattaient dans le champ adverse ;

  -  que son exception de ne bis in idem a été rejetée et que les juges ont refusé de retenir les faits tels qu’établis dans le jugement du 20 juillet 1948 ;

  -  que les décisions internes se fonderaient sur des erreurs de fait et de droit et auraient omis de prendre en considération des circonstances favorables à l'accusé  ;

  -  que ses plaintes à l’encontre des journaux italiens ont été classées sans suite et que les juridictions internes ont estimé « pleinement justifiées » les appellations dont il avait fait l’objet ;

  -  que le 1er août 1996 le ministre de la Justice en personne est intervenu pour calmer la foule qui protestait contre le non-lieu prononcé par le tribunal militaire.

  Le requérant allègue enfin que le déroulement de son procès a été influencé par une violente campagne de presse, conditionnée par les communautés juives et par certains hommes politiques italiens.

  La Cour estime que les allégations du requérant doivent être analysées non seulement sous l’angle de l’indépendance et impartialité des tribunaux nationaux, mais aussi à la lumière du droit à un « procès équitable », tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Elle considérera séparément les différentes questions soulevées par l’intéressé. 
 

  a)  Dans la mesure où les allégations du requérant portent sur les erreurs prétendûment commises par les juridictions internes et sur le rejet de son exception de ne bis in idem, la Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne et d’apprécier les faits (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Brualla Gómez de la Torre c. Espagne du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2955, § 31, et Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 290, § 33). La tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble a revêtu un caractère équitable (arrêts Van Mechelen et autres c. Pays-Bas du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50, et Asch c. Autriche du 26 avril 1991, série A n° 203, p. 10, § 26).

  En l’espèce, la Cour relève que la condamnation du requérant est intervenue à la suite d'une procédure contradictoire et sur la base de preuves discutées à l'audience, que les tribunaux internes ont estimées suffisantes pour établir sa culpabilité. En outre, dans les décisions judiciaires mises en cause par le requérant tous les points controversés ont été amplement motivés, ce qui permet d'écarter tout risque d'arbitraire.

  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  b)  Pour ce qui est des allégations du requérant concernant l’impartialité de la Cour de cassation et le prévention que les autorités nationales auraient manifesté à son égard, la Cour rappelle qu'aux fins de l'article 6 § 1, l'impartialité doit s'apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction et le comportement personnels de tel juge en telle occasion, et aussi selon une démarche objective amenant à s'assurer qu'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, entre autres, les arrêts Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 46, et Thomann c. Suisse du 10 juin 1996, Recueil 1996-III, p. 815, § 30).

  Quant à la première, l'impartialité personnelle des magistrats se présume jusqu'à la preuve du contraire (arrêt Padovani c. Italie du 26 février 1993, série A n° 257-B, p. 26, § 20). Or, la Cour a examiné le texte des décisions judiciaires mises en cause par le requérant, sans toutefois déceler aucun indice de partialité.

  La Cour n’a donc relevé aucun élément susceptible de mettre en doute l'impartialité personnelle des juges concernés.

  Pour ce qui est des déclarations de I du 10 mai 1996 et de l’intervention du ministre de la Justice du 1er août 1996, la Cour rappelle d’emblée que les garanties d’indépendance et impartialité de l’article 6 de la Convention concernent uniquement les juridictions appelées à décider d’une accusation en matière pénale, et ne s’appliquent pas au ministre de la Justice et au représentant du parquet, ce dernier étant notamment l’une des parties d’une procédure judiciaire contradictoire. En tout état de cause, la Cour considère que les déclarations de I se bornaient à faire référence aux valeurs de la résistance contre le national-socialisme. Par ailleurs, la circonstance qu’un membre de l’exécutif se soit activé pour calmer une manifestation de protestation éclatée à l’occasion d’un procès ne saurait, en soi, être considérée contraire à l’article 6 de la Convention.

  A la lumière de ce qui précède, la Cour est d’avis que les allégations du requérant, selon lesquelles les autorités nationales avaient une idée préconçue quant à sa culpabilité, ne se fondent sur aucun élément objectif.

  Quant à la seconde démarche, elle conduit à se demander si, indépendamment de la conduite du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier. En la matière même les apparences peuvent revêtir de l'importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer au justiciable. Il en résulte que pour se prononcer sur l'existence, dans une affaire donnée, d'une raison légitime de redouter d'un juge un défaut d'impartialité, l'optique de l'accusé entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L'élément déterminant consiste à savoir si l'on peut considérer les appréhensions de l'intéressé comme objectivement justifiées (voir l'arrêt Ferrantelli et Santangelo c. Italie du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 951-952, § 58).

  La Cour note qu'en l'occurrence la crainte d'un manque d'impartialité tient au fait que M. S. a présidé soit la chambre de la Cour de cassation s’étant prononcée sur la demande en récusation du parquet, tant celle ayant décidé du bien fondé du pourvoi en cassation du requérant contre l’arrêt de la cour militaire d’appel du 7 mars 1998.

  Or si pareille situation pouvait susciter des doutes chez l'intéressé, on ne saurait pour autant les considérer comme objectivement justifiés dans tous les cas : la réponse varie suivant les circonstances de la cause. En particulier, la Cour doit avoir égard à la nature des tâches dont M. S. s'est acquitté avant de connaître du fond du pourvoi en cassation de l’accusé. Sur ce point, il échet de rappeler que les exceptions préliminaires qu'un magistrat de cassation doit trancher ne se confondent pas avec celles qui dicteront son jugement final (arrêt Hauschildt, précité, p. 22, § 50). En se prononçant sur une demande en récusation, il évalue si un ou plusieurs juges se trouvaient en situation d’incompatibilité ou s’ils avaient indûment manifesté leur opinion quant aux faits de la cause ; lorsqu'il statue à l'issue du procès, il lui faut rechercher si la procédure a été conforme aux dispositions internes pertinentes et si les raisons avancées par les juridictions de première et deuxième instance, basées sur éléments produits et débattus en justice, suffisent pour asseoir une condamnation. Qu'un juge de cassation ait déjà pris des décisions à un stade antérieur du procès, notamment au sujet de la récusation, ne peut donc passer pour justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité.

  Par ailleurs, la Cour n’a décelé aucune circonstance particulière pouvant autoriser une conclusion différente dans la présente affaire (voir, a contrario, l’arrêt Hauschildt, précité, pp. 22-23, §§ 51-53).

  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  c)  Dans la mesure où les allégations du requérant portent sur les décisions de classer ses plaintes, la Cour rappelle que le droit d’accès à un tribunal, contenu dans l’article 6 § 1 de la Convention, ne s’étend ni au droit de provoquer contre des tiers l’exercice de poursuites pénales, ni au droit à ce qu’une procédure pénale aboutisse à une condamnation (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Helmers c. Suède du 29 octobre 1991, série A n° 212-A, p. 14, § 29, et Danini c. Italie, requête n° 22998/93, décision de la Commission du 14 octobre 1996, Décisions et rapports (DR) 87-A, pp. 24 et 31-32).

  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  d)  En ce qui concerne la campagne de presse dont l’affaire du requérant a fait l’objet, la Cour rappelle qu’aux termes de la jurisprudence des organes de la Convention, dans certains cas une campagne de presse virulente est susceptible de nuire à l’équité du procès, en influençant l’opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d’un accusé (Baragiola c. Suisse, requête n° 17265/90, décision de la Commission du 21 octobre 1993, DR 75, pp. 76, 96, et Berns et Ewert c. Luxembourg, requête n° 13251/87, décision de la Commission du 6 mars 1991, DR 68, pp. 137, 147-148 ; voir aussi Del Giudice c. Italie, requête n° 42351/98, décision de la Cour du 6 juillet 1999, non publiée).

  S’il est vrai que le droit du public à l’information conduit à attacher une importance particulière à la liberté de la presse, il n’en demeure pas moins que cette liberté doit dûment être mise en balance avec le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention. Dans une société démocratique au sens de celle-ci, ce droit occupe une place si éminente qu’une interprétation restrictive de l’article 6 § 1 ne correspondrait pas au but et à l’objet de cette disposition (voir Baragiola c. Suisse, décision précitée, p. 96).

  La Cour relève que l’intérêt des médias italiens pour l’affaire du requérant et l’importance qu’elle revêtait aux yeux de l’opinion publique résultaient de l’extrême gravité et de la nature du crime dont il était accusé, ainsi que du contexte politique et militaire dans lequel les faits incriminés avaient eu lieu.

  Bien que certaines appellations dont le requérant a fait l’objet puissent sembler destinées à impressionner le public, il en demeure néanmoins que la campagne incriminée a pour l’essentiel relaté des faits objectifs ayant trait au procès de l’intéressé et aux réactions que la décision du tribunal militaire du 1er août 1996 avait provoquées auprès de l’opinion publique et de certains hommes politiques. Par ailleurs, la Cour considère qu’il est inévitable, dans une société démocratique, que de commentaires parfois sévères soient faits par la presse sur une affaire sensible qui, comme celle du requérant, mettait en cause des faits tragiques de la deuxième guerre mondiale liés à l’occupation d’une partie du territoire par l’armée national-socialiste.

  De plus, il échet de noter que les juridictions appelées à connaître de l’affaire étaient entièrement composées par des juges professionnels. Contrairement aux membres d’un jury, ces derniers disposent normalement d’une expérience et d’une formation leur permettant d’écarter toute suggestion extérieure au procès. D’autre part, la Cour vient de constater que la condamnation du requérant a été prononcée à l’issue d’une procédure contradictoire, au cours de laquelle l’intéressé a eu la possibilité de soumettre aux juridictions compétentes les arguments qu’il estimait utilises pour leur défense. Rien dans le dossier ne permet de penser que dans l’évaluation de ces arguments et des éléments à charge les juges qui se sont prononcés sur le fond aient été influencés par les affirmations contenues dans la presse.

  Eu égard à ce qui précède et compte tenu notamment des garanties inhérentes à la procédure judiciaire dirigée contre le requérant, la Cour ne saurait déceler, en l’espèce, aucune atteinte au principe du procès équitable.

  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  2.  Le requérant se plaint du refus de la cour militaire d’appel de convoquer Mme A. Il Invoque l’article 6 § 3 d) de la Convention, qui se lit ainsi :

 « Tout accusé a droit notamment à:

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ».

  Etant donné que les exigences du paragraphe 3 de l'article 6 représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1, la Cour examinera la requête sous l'angle de ces deux textes combinés (arrêt Van Geyseghem c. Belgique [GC], n° 26103/95, CEDH 1999-I, § 27).

  Elle rappelle qu'il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments rassemblés par elles et de décider de la nécessité ou opportunité de citer un témoin. Il s'ensuit notamment que la Convention n'accorde pas à l'accusé un droit illimité d'obtenir la convocation de témoins en justice et qu’il revient, toujours en principe, aux juridictions nationales de juger de l'utilité d'une offre de preuve par témoins au sens autonome que ce terme possède dans le système de la Convention (arrêt Bricmont c. Belgique du 7 juillet 1989, série A n° 158, p. 31, § 89, et Honsik c. Autriche, requête n° 25062/94, décision de la Commission du 18 octobre 1995, DR 83, pp. 77, 85). En effet, il ne suffit pas, au requérant qui allègue la violation de l'article 6 § 3 d) de la Convention, de démontrer qu'il n'a pas pu interroger un certain témoin à décharge. Encore faut-il qu'il rende vraisemblable que la convocation dudit témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l’interroger a causé un préjudice aux droits de la défense.

  En l'espèce, la Cour relève que le requérant se plaint de la non-audition de Mme A., et que celle-ci aurait dû témoigner que l’accusé s’était activé pour la libération de son père, arrêté le 23 mars 1944, jour de l’attentat de Via Rasella. La Cour estime cependant que le requérant n'a pas démontré que l'audition de ce témoin aurait pu apporter des éléments nouveaux et pertinents pour l'examen de son affaire. En effet, la cour militaire d’appel a estimé que l’audition en question s’avérait inutile, étant donné que les fonctions exercées par le requérant au sein du commandement allemand à Rome avaient déjà été éclaircies et que de nombreux témoins avaient fourni des éléments quant au comportement tenu par l’accusé pendant la guerre. D’autre part, la circonstance que le requérant ait eu un comportement généreux à l’égard d’une personne déterminée n’exclue pas sa responsabilité pour la tuerie des Fosse Ardeatine.

  Dans ces circonstances, la Cour ne saurait déceler aucune apparence de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention.

  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  3.  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure contre lui.

  La Cour rappelle qu'en matière pénale, le « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 débute en principe au moment où les soupçons dont l'intéressé était l'objet ont eu des répercussions importantes sur sa situation, en raison des mesures prises par les autorités de poursuites (arrêts Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France du 31 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 660, § 93 ; Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 33, § 73). Or, la Cour relève qu'en l'espèce le 9 mai 1994, le juge des investigations préliminaires auprès du tribunal militaire de Rome a ordonné que le requérant fût appréhendé et placé en détention provisoire.

  Toutefois, la Cour observe qu'à une date non précisée, mais en tout cas antérieure à la délivrance de ce mandat d'arrêt, le requérant a quitté l'Italie pour l'Argentine et qu'il n'est retourné en Italie que le 21 novembre 1995, à la suite de son extradition. Elle estime que lorsqu'une personne s'éloigne d'un Etat adhérant au principe de la prééminence du droit, il y a une présomption selon laquelle il ne peut pas se plaindre d'une durée déraisonnable de la procédure pour la période postérieure à son départ, au moins qu'il ne fasse état de motifs suffisants de nature à faire écarter cette présomption (voir Ventura c. Italie, requête n° 7438/76, rapport de la Commission du 15 décembre 1980, § 197, DR 23, pp. 5 et 44 ; et, mutatis mutandis, Erdogan c. Turquie, requête n° 14723/89, décision de la Commission du 9 juillet 1992, DR 73, pp. 81 et 88). Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce. D'autre part, l'on ne saurait reprocher aux autorités italiennes d'avoir attendu l'issue de la procédure d'extradition avant de commencer les débats du procès du requérant. En effet, cette mesure avait pour but de permettre à l'accusé de prendre part à l'audience et de suivre les débats, ce qui ne peut qu'être considéré conforme à une bonne administration de la justice et à l'esprit de l'article 6 de la Convention (voir notamment les arrêts Lala c. Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A n° 297-A, p. 13, § 33 ; Poitrimol c. France du 23 novembre 1993, série A n° 277-A, p. 15, § 35 ; Colozza c. Italie du 12 février 1985, série A n° 89, p. 14, § 27).

  Dès lors, la Cour estime que dans les circonstances de la présente affaire, le point de départ de la période à prendre en considération doit être fixé au 21 novembre 1995, date à laquelle le requérant a été extradé en Italie. La procédure s'est terminée le 1er décembre 1998, lorsque le texte de l’arrêt de la Cour de cassation a été déposé au greffe.

  Elle a donc duré trois ans et dix jours pour quatre degrés de juridiction.

  Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II, et Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil 1997-IV, p. 1083, § 35).

  La Cour note d’emblée que l’affaire présentait une indéniable complexité. Par ailleurs, elle n’a relevé aucune importante période d’inactivité imputable aux juridictions nationales.

  Dans ces conditions, elle estime qu’une durée globale d’un peu plus de trois ans pour quatre degrés de juridiction ne saurait déceler aucune apparence de violation du principe du « délai raisonnable ».

  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  4.  Le requérant allègue avoir été victime de traitement inhumains et dégradants. Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

  Le requérant observe que malgré son âge avancée, tout de suite après son arrivée à Rome en avion, il a été placé en détention provisoire et soumis à un long interrogatoire. Il se plaint en outre des restrictions qui lui ont été imposées au cours de sa détention provisoire à la prison de Rome.

  Par ailleurs, selon le requérant le fait de priver un homme âgé de plus de quatre-vingts ans de sa liberté et de lui infliger une peine de prison s’analyserait en traitement contraire à l’article 3 et équivaudrait, en substance, à une condamnation à mort.

  Le requérant se plaint enfin du rejet de sa demande du 8 juin 1998 visant à obtenir des soins dentaires et allègue que les diffamations dont il aurait fait l’objet ont porté atteinte à sa dignité humaine.

  La Cour rappelle qu’un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3. L'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause et, notamment, de la durée du traitement, des ses effets physiques et/ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime (arrêts Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3288, § 94). Dans cette perspective, il ne suffit pas que le traitement comporte des aspects désagréables (arrêt Guzzardi c. Italie du 6 novembre 1980, série A n° 39, p. 40, § 107).

  La Cour estime que les diffamations dénoncées par le requérant n'atteignent pas le minimum nécessaire de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3 de la Convention.

  Dans la mesure où l’intéressé se plaint des restrictions afférentes à ses différentes périodes de privation de liberté, la Cour analysera séparément la détention provisoire en prison, l’assignation à domicile en tant que mesure de précaution et l’exécution de la peine devenue définitive à la suite du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation du 16 novembre 1998. 
 

  a)  Pour ce qui est de la détention provisoire en prison et des actes qui l’ont précédée, tels que le transfert en avion de l’Argentine en Italie et l’interrogatoire du 21 novembre 1995, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie que dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive. Lorsqu’un requérant se plaint d’une situation continue, ce délai court à partir de la fin de celle-ci (voir Agrotexim Hellas S.A. et autres c. Grèce, requête n° 14807/89, décision de la Commission du 12 février 1992, DR 72, pp. 148, 167 ; Macedo c. Portugal, requête n° 11660/85, décision de la Commission du 19 janvier 1989, DR 59, pp. 85, 90).

  En l’espèce, la détention provisoire du requérant à la prison de Rome a pris fin le 18 mars 1997, date à laquelle cette mesure de précaution a été remplacé par l’assignation à domicile de l’intéressé.

  La requête n’ayant été introduite que le 10 mai 1999, cette partie du grief est tardive et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. 
 

  b)  En ce qui concerne l’assignation à domicile du requérant avant sa condamnation définitive, couvrant notamment la période allant du 18 mars 1997 au 16 novembre 1998, la Cour observe que l’intéressé a pu résider d’abord dans un couvent, puis à l’hôpital militaire de Rome et enfin dans la demeure d’un particulier et que dans aucun de ces endroits il n’a été soumis à un isolement sensoriel ou social absolu ou relatif, ayant été au contraire autorisé à recevoir des visites et à utiliser le téléphone. De plus, au cours de sa détention domiciliaire, le requérant a été à plusieurs reprises visité par des médecins spécialisés, qui ont eu l’opportunité d’évaluer ses conditions de santé à la lumière, notamment, de son âge avancée. Par ailleurs, la Cour observe que les autorités italiennes ont fait preuve d’une grande diligence dans l’évaluation de la demande du requérant du 3 juin 1998 visant à obtenir des soins dentaires. En effet, le premier rejet de cette demande s’explique par le fait, non imputable aux juridictions nationales, que le requérant avait omis de produire de certificats médicaux à l’appui de sa demande. Par la suite, la cour militaire d’appel a ordonné, dans les meilleurs délais, une visite médicale spécialisée et, une fois obtenus les résultats de celle-ci, a autorisé le requérant à quitter son domicile pour se soumettre aux soins dont il nécessitait.

  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que, considéré dans sa globalité, le traitement dont le requérant se plaint n'a pas atteint pas le minimum nécessaire de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3 de la Convention.

  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  c)  Quant à l’exécution de la peine, la Cour observe que sa condamnation ayant acquis l’autorité de la chose jugée, après le 16 novembre 1998 le requérant a été transféré de son domicile à la prison de Rome.

  Elle rappelle d’emblée qu’elle n’est pas compétente pour réexaminer les faits sur lesquels cette condamnation se fondait ou la mesure de la peine qui a été infligée. Sa tâche consiste au contraire à rechercher si les modalités de l’exécution de celle-ci ont porté atteinte aux droits fondamentaux du requérant.

  La Cour reconnaît que dans certaines conditions le maintien en détention dans un pénitencier pour une période prolongée d’une personne âgée de plus de quatre-vingt-cinq ans pourrait poser un problème sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Cependant, il faut avoir égard aux circonstances particulières de chaque cas d’espèce.

  Or, dans la présente affaire le requérant a demandé la suspension de l’exécution de sa peine. Cette demande a été prise en compte dans les meilleurs délais par le tribunal militaire d’application des peines, qui, le 4 décembre 1998 a nommé trois experts et les a chargés de rédiger une expertise médicale sur le requérant. Il ressort de ce document que l’état de santé de l’intéressé était satisfaisant, mais que la continuation de sa détention aurait pu avoir des conséquences négatives sur ses conditions cardiaques et cérébrales, ainsi que sur son comportement.

  Au vue des résultats de ce rapport d’expertise, et faisant application des principes constitutionnels selon lesquels la peine ne doit pas consister en un traitement inhumain et doit viser la rééducation et la réinsertion du condamné, le tribunal d’application des peines a ensuite octroyé au requérant le bénéfice de l'assignation à domicile. Cette mesure ayant été appliquée à partir du 8 février 1999, le maintien en détention du requérant à la prison de Rome s’étend sur une période en tout cas inférieure à trois mois. Par ailleurs, le requérant n’a pas allégué que les modalités d’exécution de sa peine durant la période incriminée se sont écartées du régime carcéral normal ou ont comporté une aggravation des souffrances inhérentes à ce dernier.

  Compte tenu notamment de la courte durée de ce traitement, du fait que l’état général de santé de l’intéressé était satisfaisant ainsi que de la diligence déployée par les autorités italiennes dans l’évaluation des conditions physiques et mentales du condamné et de ses droits à la rééducation et à la réinsertion sociale, la Cour estime que, considéré dans sa globalité, le traitement auquel le requérant a été soumis après sa condamnation définitive et jusqu’au 8 février 1999 n'a pas atteint pas le minimum nécessaire de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3 de la Convention.

  Par ailleurs, en ce qui concerne l’assignation à domicile, il échet de noter que cette mesure était assortie d’une très large possibilité de recevoir des visites et de bénéficier des services hospitaliers. Se référant aux conclusions auxquelles elle est parvenue quant à la période allant du 18 mars 1997 au 16 novembre 1998, la Cour considère que la privation de liberté imposée au requérant à partir du 8 février 1999 ne saurait passer pour un « traitement inhumain ou dégradant ».

  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  5.  Le requérant soutient que les autorités italiennes ont omis de protéger son droit à la vie. Il invoque l’article 2 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

 « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ».

  Le requérant se réfère à ses conditions de santé, telles que résultantes des visites médicales, et aux diffamations prétendûment subies de la part de la presse.

  La Cour ne voit pas en quoi les diffamations dont le requérant se plaint auraient pu porter atteinte à son droit à la vie. Pour ce qui est des conditions de santé de l’intéressé, elle vient de constater que les juridictions italiennes ont pris le plus grand soin dans l’évaluation de l’état physique et mental du requérant, ordonnant des nombreuses visites médicales et lui permettant d’avoir accès aux services hospitaliers. Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise du 18 janvier 1999 que les conditions générales du requérant étaient satisfaisantes. Ce dernier a donc failli de montrer que, dans son cas particulier, les traitements auxquels il a été soumis ont crée un danger pour sa vie ou que les autorités compétentes n’ont pas agi avec la diligence nécessaire pour prévenir toute détérioration sérieuse de son intégrité physique.

  Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 
 

  6.  Le requérant se plaint de l’irrégularité et de la durée de sa détention provisoire. Il invoque l’article 5 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

 « 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: (...)

c)  s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci; (...)

 3.  Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ».

  La Cour observe que le requérant se plaint de la privation de liberté réglementée par l’alinéa c) du premier paragraphe de l’article 5. A cet égard, il échet de rappeler que l'article 5 § 3, qui garanti le droit de toute personne détenue d’être jugée dans un délai raisonnable, s'applique uniquement dans la situation envisagée dans cet alinéa, avec lequel il forme un tout (voir l'arrêt Ciulla c. Italie du 22 février 1989, série A n° 148, p. 16, § 38).

  Or, une personne condamnée en première instance se trouve dans le cas prévu à l'article 5 § 1 a), qui autorise la privation de liberté des personnes après condamnation (voir, par exemple, l’arrêt B. c. Autriche du 28 mars 1990, série A n° 175, p. 14, § 36).

  En l’espèce, la condamnation du requérant a été prononcée le 22 juillet 1997, date à laquelle il convient de fixer la fin de la période à prendre en considération aux fins de l’article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention.

  La requête n’ayant été introduite que le 10 mai 1999, ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. 
 

  7.  Le requérant se plaint de la décision du président de la cour d’appel de Rome du 7 août 1996 de soumettre sa correspondance à un visa de censure. Il invoque l’article 8 de la Convention, qui se lit ainsi :

 « 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

 2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

  En l'état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l'article 54 § 3 b) de son règlement.

  Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant concernant la soumission de sa correspondance à un visa de censure ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

 
 
      Erik Fribergh Christos Rozakis Greffier Président